Léonard Wantchekon – Qu’est-ce que le clientélisme ?

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Qu’est-ce que le clientélisme ? En quoi est-ce un problème et comment le combattre ? Pour Léonard Wantchekon, fondateur de l’African School of Economics (Bénin), professeur de science politique à l’Université de Princeton et membre de l’Académie Américaine des Arts et des Sciences, le clientélisme engendre corruption et mauvaise allocation des ressources de l’Etat. Reste que le clientélisme n’est pas une fatalité ; des solutions existent.

Qu’est-ce que le clientélisme ?

Il y a trois éléments qui caractérisent le clientélisme. D’abord, il y a le fait que c’est un marché : votes contre faveur ; faveur en termes de biens publics ou privés. Le deuxième élément, c’est que les rapports sont soutenus, se répètent et le troisième élément, c’est qu’ils se font avec l’aide d’un courtier électoral, c’est-à-dire un intermédiaire.

Pourquoi est-ce un problème ?

Le clientélisme pose problème à 2 niveaux :

  • Le premier, c’est dans la répartition, la redistribution des biens publics entre le gouvernement, les citoyens et les différentes régions.
  • Le deuxième, c’est au niveau de la corruption.

D’abord, au niveau de la redistribution des biens publics : la construction de nouvelles cliniques, d’écoles, de routes…doit être fonction des besoins réels des populations. Mais dans un système clientéliste, cela dépend du vote. Si vous avez voté pour un candidat, vous êtes récompensés en retour par la route ou par l’école, même si pour le bien-être général du pays, vous n’êtes pas les prioritaires, vous n’êtes pas ceux qui en ont le plus besoin.

Ces pratiques engendrent inefficacité et mauvaise allocation des ressources de l’Etat dans les différentes régions. Parfois, ça prend la forme d’un « éléphant blanc » c’est-à-dire que vous construisez des choses, des aéroports là où les gens n’en n’ont pas besoin ou des centrales hydroélectriques qui ne fonctionnent pas seulement pour impressionner vos potentiels électeurs.

Le deuxième problème est au niveau de la corruption. Quand le courtier électoral rend service au candidat et que le candidat lui a promis un poste politique en retour de ses services, le courtier a de fait le contrôle total sur un secteur du gouvernement, que ce soit un ministère ou l’agence de télécommunications, avec la promesse implicite que « vous pouvez prendre votre retour sur investissement, la récompense pour services rendus ». C’est un appel indirect à la corruption.

Deux problèmes donc : la mauvaise allocation des ressources au niveau national. Ceux qui ont besoin d’une école n’en n’ont pas parce qu’ils n’ont pas voté pour le candidat arrivé au pouvoir. Et il y a la corruption implicite ou légale ou légalisée car fait partie d’un contrat entre le candidat qui a accédé au pouvoir et le courtier.

Comment combattre le clientélisme ?

Le problème essentiel ici, c’est de réduire le rôle du courtier en donnant un cadre dans lequel des échanges directs peuvent se faire entre les électeurs et le candidat. Un moyen qui s’est avéré très utile, c’est la campagne de proximité. Les réunions de campagne en petits groupes de proximité grâce auxquels des jeunes, recrutés par un candidat, passent de village en village, de région en région, et portent le message du candidat aux électeurs, obtiennent leurs feed-back et les communiquent directement au candidat.

C’est cette forme de campagne que le président Obama a utilisée en 2008 pour gagner les élections en dépit du fait que l’appareil des courtiers électoraux du parti démocrate était contrôlé entièrement par son adversaire, Mme Clinton.

Il y a donc deux éléments importants : c’est créer les cadres d’un échange direct entre les électeurs et le candidat qui limitent un peu le rôle du courtier électoral ; s’il fait moins, s’il pèse moins sur le résultat des élections, il sera moins nécessaire de le récompenser. Deuxièmement, il faut rendre le processus de récompense transparent, donner la chance à ceux qui sont compétents mais qui ne sont pas courtiers, d’accéder aux postes qu’il faut au niveau de l’administration, des ministères ou des agences gouvernementales.

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